28 mai 2005 – Le Journal de Saône & Loire
Aujourd’hui, Jean-Michel Martinot maîtrise ses émotions. Minimise l’échec pour mieux rebondir. Demain, Cluny peut devenir le théâtre d’une totale rédemption.

Il peut le toucher, l’observer, le désirer, le convoiter. En secret ou à coeur ouvert. Cluny est là, à deux pas de chez lui. Si proche, si loin. Mais cette année, Jean-Michel Martinot se refuse à toute pression inutile. Pas question de perdre son temps. Succès ou pas, il poursuivra sa route. Une route promise à un bel avenir. La passion familiale est parfois la plus forte. Même si elle ne vous impose pas un choix, elle ne vous laisse pas d’alternative. A 15 ans, alors qu’il s’oriente vers une carrière de rugbyman – en tant que 3e ligne –, Jean-Michel Martinot efface de sa mémoire d’adolescent cet épisode. Pour se consacrer à l’unique voie pour laquelle il était destiné. L’équitation. L’élevage. Suivre les traces d’un père qui ne rêvait qu’à cet instant. “Je montais régulièrement sans toutefois participer à des concours. Mais le jour où mon père m’a acheter un cheval, ma vision a changé”. Et le touche-à-tout devient cavalier. Un cavalier hors-pair. Qui gravit toutes les marches les unes après les autres sans regarder derrière lui. Tant et si bien qu’il rattrape le temps.
Trois ans après ses débuts, il frappe aux portes de l’équipe de France juniors. “J’avais la chance d’avoir un père qui me préparait mes chevaux et me les livrait clés en main.”
Les premiers résultats arrivent, récompensant les sommes d’efforts consentis durant les hivers passés aux débourrages des jeunes chevaux, aux travaux d’entretien dans les écuries… “Tellement de choses qui font que la saison venue, c’est comme un départ en vacances. Oui, on peut le dire, les concours ce sont les vacances.”

Meilleur français à Maubeuge
Mais les vacances de 2002 lui réserveront certaines mauvaises surprises. A Cluny, où comme d’habitude la pression l’emporte, puis au Creusot quelques semaines plus tard, où le cavalier semble perdu sur le parcours. Ne sachant plus trop où aller. “J’étais à saturation. J’avais réalisé un bon début de saison et j’ai voulu trop en faire. Participer, participer, je n’avais que ce mot à la bouche. Partir deux voire trois jours par semaine monter les jeunes chevaux puis revenir à l’écurie et repartir en concours. Trop c’est trop. Le Creusot a fait déborder le vase”. La semaine de vraies vacances qu’il s’accorde avec son épouse Virginie l’encourage à revenir plus fort. Ce qu’il fait. Fin août à La Clayette.“J’éprouvais le besoin de couper avec le monde de l’équitation. A La Clayette, j’étais enfin redevenu moi-même, j’ai gagné, c’était super”.
Sa bonne étoile l’accompagne en ce début d’année 2003. L’hiver porte ses fruits. “Fidelio du Donjon”, “Etoile de Merzé” lui témoignent de leur fidélité. A Dijon, en avril dernier, le Clunisois s’affirme comme le dauphin de Jacques Bonnet, un habituel “Veste Bleue”. Il récidive à Lyon avec le deuxième accessit et inscrit même “Fidelio” à la cinquième place. “Il monte en puissance. Après plus de quatre mois à faire du congelé, Fidelio revient en force. Je pense qu’il est prêt. On verra”. Au CSIA de Maubeuge, c’est quasiment la consécration. Meilleur cavalier français, Jean-Michel Martinot exerce ce jour-là son métier aux cotés des grands noms de l’équitation mondiale. “Les Whitaker, Ludo Philippaerts, c’était magique. Et en même temps presque frustrant, car j’ai mesuré l’écart qui me séparait d’eux”. Dans le Grand Prix du dimanche, alors qu’il reste que trois obstacles à franchir, il force un peu la décision et “Etoile” commet le refus fatal. “Je sais qu’elle est guerrière, généreuse, mais surtout qu’on ne doit absolument pas lui mettre la pression.” Un mal pour un bien. Sûrement. Car le garçon est intelligent.
Demain à Cluny, le jeu en vaudra la chandelle. Après la précédente édition qui, avouons-le, ne présentait pas un plateau extrêmement relevé, cette année renoue avec la tradition. De grands noms ont posé leurs paraphes sur la feuille d’engagement. Tels Hubert Bourdy, Bruno Garez, Philippe Rozier.“C’est un challenge excitant mais que je vais aborder sans pression particulière et sans obligation de résultat. De toutes façons, je n’ai de compte à rendre qu’à moi-même. Mais j’ai une impression bizarre. J’ai hâte que la compétition commence.” Patience, Jean-Michel, ton heure viendra.

Salvadore Barletta